Ben Gvir ou l’art israélien de bomber le torse devant des chaînes

 


Ben Gvir ou l’art israélien de bomber le torse devant des chaînes



On connaissait déjà Itamar Ben Gvir vociférant sur les plateaux de télévision. On découvre désormais le Ben Gvir en visite de prison, jouant les héros face à un homme… enchaîné. Scène surréaliste : un ministre israélien entouré d’une armée de gardiens, paradant dans un couloir pour provoquer Marwan Barghouti, prisonnier politique palestinien, isolé, humilié, condamné à plusieurs perpétuités. Voilà donc ce que Tel-Aviv appelle « du courage ».



L’épisode prête à rire, si le tragique n’était pas si lourd. Car cette image en dit plus long que mille discours : Ben Gvir n’est pas seulement un voyou en costume, il est le miroir fidèle de son État. Israël tout entier se comporte comme son ministre : fort avec les faibles, faible face à la dignité.



Car enfin, que voyons-nous ? D’un côté, un prisonnier qui n’a rien : pas d’armes, pas de micro, pas d’armée derrière lui. Enchaîné, affamé, isolé. Mais qui continue de se tenir droit, de regarder en face ses bourreaux, comme s’il savait que sa seule force — la dignité — suffit à ridiculiser leurs menaces. De l’autre côté, un ministre protégé par ses gardes, surarmé de certitudes, qui se croit grand en humiliant celui qui n’a plus rien.



La scène est le condensé parfait de la politique israélienne envers les Palestiniens. Israël se vante de ses « victoires », mais ses victoires ne sont jamais que celles d’un Goliath nucléaire qui frappe un peuple affamé, enfermé, privé d’avenir. Un État bardé d’armes, soutenu diplomatiquement, militairement, économiquement par Washington, et qui croit grandir en détruisant Gaza, en colonisant la Cisjordanie, en enfermant un peuple entier dans des cages à ciel ouvert.



Voilà la grande réussite israélienne : montrer ses muscles face à des chaînes. Tirer sur des enfants au check-point. Bombarder des camps de réfugiés. Assiéger un territoire de deux millions d’âmes. Menacer un prisonnier isolé dans une cellule. Le « courage » à la sauce Ben Gvir.



Mais ce que ni Ben Gvir ni son État ne comprennent, c’est que cette brutalité ne fait que révéler leur faiblesse. Barghouti, derrière ses barreaux, humilié, privé de tout, reste debout. Le peuple palestinien, bombardé, affamé, assiégé, reste debout. Et cette obstination à exister, cette dignité qui persiste malgré tout, est plus redoutable que tous les F-16 et toutes les prisons.



C’est cela que Ben Gvir voulait briser en paradant devant une cellule. C’est cela qu’Israël tente de briser depuis soixante-quinze ans : la simple existence d’un peuple qui refuse de disparaître. Mais c’est aussi cela qui les condamne à la peur permanente : la peur de ceux qu’ils croient écraser, et qui pourtant leur renvoient chaque jour, en silence, l’image de leur propre lâcheté.