Trump, artisan de paix ? Une illusion dangereuse
Certains commentateurs s’émerveillent encore de voir Donald Trump se prononcer, a posteriori, contre une annexion israélienne de la Cisjordanie ou en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. Cette image d’un « Trump faiseur de paix » serait presque risible si elle n’était pas tragiquement trompeuse. Car le bilan diplomatique de son administration (2017-2021) démontre au contraire une entreprise systématique de démolition du droit international et des perspectives de paix au Proche-Orient.
1. Un alignement inédit sur les positions israéliennes
Sous Trump, les États-Unis ont rompu avec le consensus international sur plusieurs dossiers centraux :
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Jérusalem capitale d’Israël : en décembre 2017, Washington reconnaît unilatéralement Jérusalem comme capitale d’Israël et y transfère son ambassade en mai 2018, en violation de la résolution 478 du Conseil de sécurité (1980), qui « réaffirme que toutes les mesures […] visant à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et non avenues »¹.
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Golan : en mars 2019, Trump reconnaît la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan syrien occupé depuis 1967, en contradiction avec la résolution 497 (1981), qui considère « nulle et non avenue et sans effet juridique international » l’annexion israélienne².
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Colonisation : en novembre 2019, le secrétaire d’État Mike Pompeo annonce que les colonies israéliennes « ne sont pas contraires au droit international »³, contredisant la résolution 2334 (2016) qui réaffirmait « l’illégalité des colonies israéliennes » et l’article 49, alinéa 6, de la IVe Convention de Genève (1949).
2. Une politique de sanctions contre les Palestiniens et leurs institutions
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Aide humanitaire : en 2018, l’administration Trump coupe plus de 300 millions de dollars de financement à l’UNRWA, aggravant la situation de millions de réfugiés palestiniens⁴.
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Représentation diplomatique : fermeture du bureau de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington en septembre 2018, privant les Palestiniens d’un canal diplomatique officiel⁵.
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Sanctions contre l’Autorité palestinienne : réduction drastique des aides bilatérales et suspension de tout soutien financier, en représailles à l’adhésion de la Palestine à la Cour pénale internationale⁶.
3. Hostilité aux juridictions internationales
Trump a également marqué une rupture dans le rapport des États-Unis aux juridictions internationales :
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Cour pénale internationale (CPI) : en juin 2020, l’administration impose des sanctions économiques et des restrictions de visa contre la procureure Fatou Bensouda et son équipe, en raison des enquêtes ouvertes sur l’Afghanistan et la Palestine⁷. Ces sanctions inédites contre des magistrats internationaux furent dénoncées par l’Union européenne et par Amnesty International comme une « attaque contre l’indépendance judiciaire internationale »⁸.
4. Le « Deal du siècle » : une paix factice
En janvier 2020, Trump présente son « plan de paix » (Peace to Prosperity), largement salué par Israël et rejeté par les Palestiniens. Ce plan prévoit :
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l’annexion de larges portions de la Cisjordanie ;
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Jérusalem « capitale indivisible d’Israël » ;
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un État palestinien réduit, morcelé et démilitarisé, sans véritable souveraineté.
Ce projet a torpillé les efforts multilatéraux, notamment l’Initiative arabe de paix de 2002 (portée par l’Arabie saoudite et endossée par la Ligue arabe et l’ONU), qui proposait la reconnaissance d’Israël par les pays arabes en échange d’un retrait des territoires occupés⁹.
5. Les vetos américains à l’ONU
Sous Trump, les États-Unis ont poursuivi leur politique traditionnelle de protection d’Israël au Conseil de sécurité, mais de manière encore plus systématique. Le 18 décembre 2017, Washington oppose son veto à un projet de résolution condamnant la reconnaissance de Jérusalem, alors que les 14 autres membres du Conseil votaient en faveur¹⁰. D’autres projets de résolution concernant les violences israéliennes à Gaza ou la protection des civils palestiniens furent bloqués de la même manière en 2018¹¹.
6. Conclusion : l’imposture d’un « faiseur de paix »
À la lumière de ce bilan, la prétention à présenter Donald Trump comme un artisan de paix relève de la pure imposture. Non seulement son mandat a exclu les Palestiniens du processus diplomatique, mais il a également vidé de tout contenu le droit à l’autodétermination, transformant la paix en une capitulation sous conditions.
Comment, dès lors, prétendre construire une paix juste et durable en ignorant les représentants du peuple concerné, en torpillant les mécanismes multilatéraux, en sanctionnant les juridictions internationales et en protégeant systématiquement Israël au mépris du droit ?
Trump n’a pas été un médiateur : il a été le démolisseur en chef du droit international au Proche-Orient.
Notes et références
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Résolution 478 (1980) du Conseil de sécurité des Nations unies.
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Résolution 497 (1981) du Conseil de sécurité des Nations unies.
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Département d’État, déclaration de Mike Pompeo, 18 novembre 2019.
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UNRWA, Report on the impact of US funding cuts, 2019.
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Département d’État, communiqué, 10 septembre 2018.
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Congressional Research Service, U.S. Foreign Aid to the Palestinians, 2020.
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Executive Order 13928, Blocking Property of Certain Persons Associated with the International Criminal Court, 11 juin 2020.
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Amnesty International, communiqué, 2020.
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Ligue arabe, Initiative arabe de paix, Beyrouth, 2002.
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Conseil de sécurité, S/PV.8139, 18 décembre 2017.
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Conseil de sécurité, S/2018/516, projet de résolution sur Gaza, 1er juin 2018 (veto américain).
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