9 - "le Hamas vole l’aide humanitaire ? ".

 


"le Hamas vole l’aide humanitaire ? ".



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Famine sous contrôle : Gaza et la guerre humanitaire .


Depuis le début de la guerre contre Gaza, une autre forme de violence se déploie, plus silencieuse, mais non moins

 dévastatrice : la guerre contre l’aide humanitaire. Des dizaines de milliers de morts, des enfants décharnés, des

 hôpitaux sans anesthésie, des files interminables pour un sac de farine — et toujours, ce discours glacé, répété à

 l’unisson : « Le Hamas vole l’aide humanitaire. » En invoquant cette accusation sans preuve sérieuse, Israël 

cherche à dissoudre ses propres responsabilités dans le drame humanitaire en cours, et à présenter les Palestiniens

 non comme des victimes, mais comme les complices de leur propre misère.



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Une accusation sans preuves, un récit sans nuances


L’argument est simple, martelé dans les médias occidentaux : si Gaza meurt de faim, ce ne serait pas à cause des

 bombardements ou du blocus, mais parce que le Hamas détournerait l’aide destinée aux civils. Pourtant, aucune

 organisation humanitaire internationale — ni l’UNRWA, ni le Programme alimentaire mondial, ni Médecins sans

 Frontières — n’a confirmé l’existence d’un détournement systématique ou organisé de l’aide par le Hamas.

Ces accusations, souvent relayées sans vérification, s'appuient sur des vidéos floues, des témoignages anonymes

 ou des mises en scène diffusées par l’armée israélienne. Elles n’ont jamais été étayées par une enquête

 indépendante.


En revanche, ce qui est avéré, c’est que l’aide humanitaire est soumise à un contrôle total par Israël. Aucun

 convoi n’entre à Gaza sans le feu vert des autorités militaires israéliennes. Chaque sac de riz, chaque boîte de

 conserve est inspecté, retardé, parfois refusé. Des dizaines de camions restent bloqués pendant des jours aux

 frontières, sous des prétextes absurdes : couvertures trop épaisses, stylos "à usage militaire potentiel", etc.

 Israël impose le rationnement, puis accuse la population affamée de se voler elle-même.



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Affamée, puis accuser : l’inversion accusatoire


Dans cette stratégie, le détournement de l’aide n’est pas un fait à combattre, mais un récit à entretenir. Il permet de

 justifier le blocus, de diaboliser le Hamas, de criminaliser la population entière, et surtout d’empêcher toute

 remise en cause de la responsabilité israélienne dans la catastrophe humanitaire. C’est un retournement orwellien

 : Israël bombarde les infrastructures humanitaires, puis accuse les Palestiniens de désorganisation ; Israël affame,

 puis accuse ceux qui tentent de survivre de pillage.


Cette inversion est d’autant plus grave qu’elle déshumanise les victimes. En affirmant que "le Hamas vole l’aide",

 on insinue que chaque Palestinien est potentiellement complice, que chaque enfant affamé est une façade, que

 chaque plainte est un mensonge. C’est une manière de désactiver la compassion, de rendre moralement

 acceptable l’inaction internationale.



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Une guerre contre les humanitaires eux-mêmes


Loin de se limiter à la rhétorique, cette guerre humanitaire se traduit par des attaques directes contre les 

organisations d’aide. En avril 2024, sept membres de l’ONG World Central Kitchen ont été tués dans une frappe

 israélienne, malgré leur itinéraire connu et validé par l’armée. Depuis le début du conflit, plus de 200

 humanitaires ont perdu la vie, souvent ciblés délibérément. Les locaux de l’UNRWA ont été bombardés, ses

 financements coupés sous pression diplomatique. Israël cherche à assécher l’aide, puis à en accuser l’inefficacité.


La situation est telle que la famine a été déclarée imminente dans le nord de Gaza par l’ONU, une première depuis

 l’Éthiopie des années 1980. Les enfants meurent de déshydratation, les mères accouchent sans anesthésie, les

 chirurgiens opèrent avec des lampes de téléphone. Le blocus transforme chaque acte de soin, chaque don

 alimentaire, en acte de résistance.



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Le Hamas, alibi commode d’un crime structurel


Accuser le Hamas de voler l’aide, c’est offrir un alibi commode à une politique d’asphyxie planifiée. S’il existe

des trafics ou des détournements, ils sont marginaux et résultent d’une économie de siège, pas d’une stratégie

centralisée. Le vrai crime, c’est de bloquer l’eau potable. C’est de frapper les boulangeries. C’est de bombarde

 les silos de blé. C’est de créer les conditions d’une crise humanitaire, puis de la médiatiser comme si elle relevait

 d’une responsabilité locale.


Ce récit est d’autant plus dangereux qu’il empêche la communauté internationale d’agir. Tant que l’opinion

 publique croit que l’aide sera volée, elle tolère qu’elle ne soit pas envoyée. C’est un chantage moral, où les

 victimes sont jugées indignes d’être secourues.



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Rompre le siège du mensonge


La guerre humanitaire à Gaza ne se joue pas seulement dans les entrepôts, mais dans les esprits. Elle oppose la

 vérité aux éléments de langage, la compassion au soupçon, le droit à la survie à la logique de punition collective.

 Il est temps de rompre le siège du mensonge.


Les États doivent cesser de justifier l’injustifiable. Les journalistes doivent refuser les récits tout faits. Les

 humanitaires doivent être protégés, et non ciblés. Et nous, citoyens du monde, avons une responsabilité : refuser

 d’accepter la famine comme outil de guerre.


Il ne suffit pas de dénoncer les bombes. Il faut aussi dénoncer ceux qui affament, puis accusent.

77 ans après la décision de partage : de la Déclaration Balfour de 1917 à l’Intifada du Mur des Lamentations de 1929

 

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77 ans après la décision de partage : de la Déclaration Balfour de 1917 à l’Intifada du Mur des Lamentations de 1929 (32/1) »


Les Palestiniens ont lutté de toutes leurs forces pour repousser le danger sioniste et se libérer de l’occupation

 britannique. À chaque soulèvement ou révolte, ils finissaient par perdre en raison du soutien actif de la

 Grande-Bretagne à l’installation des Juifs et à l’ancrage du mouvement sioniste en Palestine.

Pendant des décennies, depuis le début de la colonisation sioniste à la fin du XIXe siècle, les Palestiniens, malgré les

 revers répétés de leur lutte pour stopper l’expansion sur leurs terres et leurs ressources, n’ont jamais perdu espoir. 

Malgré l’armement des milices sionistes et l’établissement de dizaines, voire de centaines de colonies à travers la

 Palestine, ils ont gardé foi en la possibilité, tôt ou tard, de repousser cette menace et de construire leur propre projet

 national. Un projet qui visait à mettre fin aux ambitions sionistes de créer un foyer national juif sur leur terre, au

 détriment de la population arabe autochtone et de ses aspirations nationales et politiques.

Mais à chaque soulèvement, à chaque révolution, la victoire leur échappait, en grande partie à cause de la politique

 britannique, qui œuvrait activement pour affermir les positions du mouvement sioniste, malgré certaines divergences

 ponctuelles entre Londres et ses alliés juifs. La faiblesse des dirigeants palestiniens, leur incapacité à contrôler la

 situation et leur dépendance totale à un environnement arabe faible, colonisé lui-même, les ont souvent conduits à

 croire en la prétendue neutralité britannique dans le conflit arabo-sioniste. Cela les a parfois amenés à suspendre des

 actions révolutionnaires, espérant que la Grande-Bretagne proposerait une solution. Ce fut le cas lors de l’arrêt de la

 grève générale palestinienne de six mois en 1936.

En 1947, lorsqu’une position arabe ferme était nécessaire pour empêcher la décision de partage de la Palestine par les

 Nations Unies, les Arabes échouèrent lamentablement à convaincre le monde que ce partage était une injustice

 flagrante envers le peuple autochtone, privé de son droit à l’autodétermination. Pire encore, le projet de partage

 favorisait clairement les Juifs. Même si l’on admettait que les Juifs méritaient une part de la Palestine, pourquoi leur 

accorder une portion plus grande que celle de la majorité autochtone ? Pourquoi garantir la pérennité de petites colonies,

 même si elles altéraient les frontières proposées ? Ces colonies étaient récentes et leurs habitants pouvaient être relogés

 dans d’autres villes de l’État juif proposé.

Les troupes britanniques entrent dans la vieille ville de Jérusalem (Archives - Getty)

Les Arabes ont échoué, et les Palestiniens ont subi une lourde défaite. Leur lutte de plusieurs décennies contre l’État

 juif a échoué, tandis que les revendications sionistes ont acquis une légitimité internationale. Le monde se devait

 désormais de veiller à leur réalisation. Ce fut la plus grande victoire du mouvement sioniste vers la création de son 

 entité projetée.

Le chemin vers la résolution de partage de 1947 a duré trente ans, depuis la Déclaration Balfour de 1917. Ce fut un

 parcours semé de sacrifices, au cours des révoltes palestiniennes contre une conspiration d’envergure, orchestrée à

 travers de nombreuses commissions et les « Livres blancs » britanniques définissant la politique du mandat. Toutes

 ces recommandations allaient à l’encontre des intérêts arabes, jusqu’à la création de la commission spéciale de l’ONU,

 l’UNSCOP, chargée d’enquêter sur la situation en Palestine et de proposer une solution équitable pour les deux parties 

en conflit : les Arabes et les Juifs. Cela incluait également une position sur le mandat britannique, lequel avait

 officiellement demandé à l’ONU de statuer sur un territoire qu’il ne pouvait plus contrôler sans l’appui de la nouvelle

 organisation internationale.

Cette série retrace les événements des trente années allant de la Déclaration Balfour à la résolution de partage,

 résumant certains faits et développant d'autres, notamment les travaux de l’UNSCOP, rarement analysés en 

profondeur dans les écrits arabe


La Déclaration Balfour de 1917

La lettre du ministre britannique des Affaires étrangères Arthur James Balfour, adressée au baron Walter Rothschild,

 un juif sioniste britannique, datée du 2 novembre 1917, ne contenait que 117 mots. Cependant, elle renfermait une

 promesse explicite de l’Empire britannique aux juifs sionistes (comme cela est mentionné dans la lettre elle-même)

 d’établir un foyer national pour le peuple juif, en s’engageant à faciliter sa création de toutes ses forces, à condition

 que cela ne porte pas atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine (selon le texte). Balfour précisa que cette déclaration avait été soumise au gouvernement britannique et approuvée par celui-ci.

Cette déclaration fut rendue publique une semaine plus tard, le 9 novembre 1917, dans le journal londonien

 Jewish Chronicle, soit deux jours après que les troupes du général Allenby aient pris Gaza, et avant même que la

 Grande-Bretagne n’occupe l’ensemble de la Palestine. Confiant dans le succès de sa campagne, le gouvernement 

britannique promit ainsi aux juifs un territoire appartenant à un autre peuple. Selon le sioniste Arthur Koestler,

 la Déclaration Balfour était "la promesse d’un peuple, faite officiellement par un autre peuple, de donner la terre d’un

 troisième peuple". Ce troisième peuple, les Palestiniens autochtones qui représentaient plus de 94 % de la population à

 l’époque, était totalement ignoré dans la lettre, qui ne mentionnait que les "communautés non juives". En revanche, les

 juifs étaient qualifiés de "peuple", adoptant ainsi pleinement le discours sioniste d’un "peuple sans terre pour une terre

 sans peuple".

Une position idéologique affirmée

Il n’est pas surprenant que Balfour ait adopté cette position. Il avait déjà évoqué le sionisme dans une note relative à la

 "Déclaration franco-britannique" de novembre 1918, qui promettait aux peuples arabes de Syrie, de Palestine et d’Irak

 la création de gouvernements locaux légitimes. Balfour y écrivait :

"Les quatre grandes puissances ont pris un engagement envers le sionisme, bon ou mauvais, mais profondément

 enraciné dans les traditions de nombreuses générations, répondant à des besoins présents et à des espoirs futurs,

 bien plus puissants que les désirs et jugements passés des 700 000 Arabes qui vivent sur cette terre ancienne.

 Je ne vois pas comment cet engagement peut être concilié avec la Déclaration franco-britannique."

Balfour se déclarait lui-même "sioniste enthousiaste".

Une décision motivée par des intérêts coloniaux

L’adhésion personnelle de Balfour au sionisme n’aurait pas suffi à convaincre le gouvernement britannique. En réalité, 

c’est l’intérêt colonial de la Grande-Bretagne au Moyen-Orient, et la position stratégique de la Palestine vis-à-vis de ses

 colonies, qui ont dicté cette décision. La création d’un État juif en Palestine, entretenant des relations privilégiées avec

 la Grande-Bretagne, avait été proposée dès 1914 par Herbert Samuel, ministre britannique juif, dans un document 

officiel.

La résistance arabe à la Déclaration Balfour

Les Palestiniens ne réagirent pas immédiatement à la Déclaration Balfour, car la nouvelle mit du temps à parvenir en

 Palestine. Les journaux étaient fermés à cause de la Première Guerre mondiale, et les autorités britanniques interdirent

 toute publication sur le sujet pendant deux ans. De plus, la Palestine souffrait à l’époque d’une grave crise alimentaire

 et des effets dévastateurs de la guerre. Mais la situation évolua rapidement, et les Palestiniens commencèrent à

 s’organiser dans des associations arabes menant des campagnes de sensibilisation sur les dangers du mouvement

 sioniste. Ces associations organisèrent à plusieurs reprises des manifestations anti-sionistes à Jérusalem, rassemblant 

des dizaines de milliers de personnes.

Le 4 avril 1920, durant les festivités de la saison du prophète Moïse, une immense manifestation éclata à Jérusalem,

 entraînant des affrontements avec les groupes sionistes armés dirigés par Ze’ev Jabotinsky. Ces affrontements durèrent

 quatre jours. Ils marquèrent la première insurrection arabe contre le sionisme et le projet de la Déclaration Balfour.

 Cet événement est connu sous le nom d’Insurrection du prophète Moïse de 1920, ou Révolte de 1920. Le bilan fut

 lourd : cinq juifs et quatre Arabes tués, plus de 200 juifs et 23 Arabes blessés.

Les nouvelles de cette insurrection atteignirent la conférence de paix de San Remo, qui décida malgré cela d’accorder

 à la Grande-Bretagne un mandat sur la Palestine, au lieu de condamner sa politique conforme à l’esprit de la

 Déclaration Balfour. Mais d'autres événements survinrent avant que la Société des Nations ne ratifie officiellemen le

 mandat britannique.

En mai 1921, une nouvelle insurrection éclata à Jaffa, plus vaste et plus violente que la précédente. Elle dura plus d’une

 semaine et se propagea à d’autres régions de Palestine. Elle fit 48 martyrs palestiniens et environ 47 morts parmi les

 Britanniques et les sionistes.

Parallèlement, des groupes armés arabes menèrent des attaques contre des colonies sionistes situées au nord de la plaine 

du Houlé, comme Metula, Kfar Giladi, Tel Haï et Hammara. Cela mena au démantèlement temporaire des colonies juiv

es de cette région jusqu’en mars 1920, après la bataille de Tel Haï, qui força l’évacuation de Tel Haï et de Kfar Giladi,

 tandis que Hammara et Metula avaient déjà été prises en janvier 1920.


Le Livre blanc et le mandat britannique de 1922

À la suite des événements et de l’insurrection de Jaffa, la Grande-Bretagne forma une commission royale d’enquête

 présidée par Sir Thomas Haycraft pour examiner les causes des troubles. La commission publia son rapport en juin 

1921. En conséquence, Winston Churchill, alors ministre des Colonies, publia le premier Livre blanc le 24 juin 1922.

 Ce document tentait de légitimer la Déclaration Balfour concernant l’établissement d’un « foyer national juif », tout en

 émettant des réserves sur la rapidité et les méthodes employées par le mouvement sioniste pour sa mise en œuvre.

Le Livre blanc précisait que l'établissement d’un foyer national juif ne signifiait pas la transformation de toute la 

Palestine en un État juif, ni l’imposition de la nationalité juive aux habitants. Il s’agissait plutôt de faire de la Palestine 

un centre religieux et national pour le peuple juif, soutenu par l’aide des communautés juives du monde entier. Il

 affirmait que la présence des Juifs en Palestine n’était pas une faveur, mais un droit fondé sur une relation historique

 ancienne.

Concernant l’immigration juive, le Livre blanc reconnaissait sa nécessité comme garantie essentielle à la création du

 foyer national juif, mais précisait qu’elle devait se faire à un rythme qui n’en ferait pas une charge pour la population

 locale, et sans priver aucun groupe d’habitants de ses moyens de subsistance, comme stipulé dans le texte.

À cette époque, Winston Churchill était un fervent partisan du projet sioniste et se considérait comme l’un des garants

 principaux de la mise en œuvre de la Déclaration de 1917.

Un mois après la publication du Livre blanc, le Conseil de la Société des Nations ratifia le mandat britannique sur

 la Palestine. Son projet avait été publié le 6 juillet 1921, et la ratification finale eut lieu le 24 juillet 1922. Le texte du

 mandat était fortement biaisé en faveur de l’établissement du foyer national juif. Il mentionnait explicitement la 

Déclaration Balfour dans son préambule, la présentant comme une base essentielle pour satisfaire les revendications

 sionistes en Palestine, et reconnaissait un lien historique entre le peuple juif et la Palestine, justifiant ainsi la

 reconstitution de leur foyer national sur cette terre.

L’article 4 du mandat reconnaissait une « agence juive appropriée » en tant qu’organisme public chargé de conseiller

 l’administration de la Palestine. L’article 7 facilitait l’obtention de la nationalité palestinienne pour les Juifs. L’article

 11 permettait à l’agence juive de conclure des accords pour l’établissement d’infrastructures et la mise en valeur des

ressources naturelles du pays. L’article 22 stipulait que l’hébreu deviendrait une langue officielle de la Palestine aux 

côtés de l’arabe et de l’anglais.

Ces dispositions ne sont pas étonnantes, étant donné les efforts considérables de Chaim Weizmann, figure de proue

 du sionisme britannique, pour influencer le gouvernement et le parlement britanniques en faveur d’un texte conforme

 aux ambitions sionistes et à l’esprit de la Déclaration Balfour. Ce texte fut même approuvé par la Chambre des

 communes en 1919, soit avant que la conférence de San Remo ne confie officiellement à la Grande-Bretagne le

 mandat sur la Palestine.

De plus, la Grande-Bretagne nomma Sir Herbert Samuel, un ancien ministre britannique et sioniste convaincu, comme

 premier haut-commissaire en Palestine. Il fut l’un des initiateurs de la Déclaration Balfour. Dès sa prise de fonctions

, il ordonna la libération des prisonniers arrêtés lors de l’insurrection du prophète Moïse en 1920.

On peut donc considérer que le mandat britannique a jeté les bases d’un gouvernement sioniste parallèle, intégré

 dans l’administration du mandat, chargé de mettre en œuvre la Déclaration Balfour sur le terrain.

Les Juifs affermissent leur présence et les Arabes protestent (1922–1929)

La période allant de la ratification du mandat jusqu’à l’explosion de la colère palestinienne lors des événements de 1929

 se caractérise par un calme relatif avant la tempête. Tous les événements de cette période allaient inévitablement

 conduire à une confrontation entre le peuple palestinien, subissant la politique britannique d’un côté, et son alliée le

 mouvement sioniste de l’autre.

Durant cette période, la population juive en Palestine a doublé, passant de 83 000 en 1922 à 164 000 en 1929. Il est

 important de noter qu’entre 1925 et la mi-1928, plus de Juifs quittaient la Palestine qu’ils n’y entraient, mais à la fin

 de cette période, leur nombre était trois fois plus élevé qu’à la fin de la Première Guerre mondiale.

De même, la superficie des terres sous contrôle juif est passée de 420 000 dounams en 1918 à environ un million de

 dounams en 1928, et cette augmentation se poursuivait régulièrement. Le nombre de colonies juives est passé de 71 

en 1922 (sur 59 000 dounams) à 96 en 1927 (sur 903 000 dounams).

Ce développement s’est fait au détriment des paysans arabes, qui vivaient dans de petits villages et furent déplacés à

 l’intérieur même de la Palestine. Cela s’explique par le fait que les terres étaient souvent acquises par des familles

 féodales extérieures, comme la famille Sursuq du Liban, qui a vendu 80 000 dounams dans la plaine de Marj Ibn 

Amer aux organisations sionistes.

Parallèlement à l’établissement des colonies, le mouvement sioniste a constitué des forces armées puissantes, sous

 prétexte de défendre les implantations. Cela a commencé avec la création de la "Garde" (HaShomer) dans la colonie

 de Sejera au début du XXe siècle. Cette force s’est développée pour devenir la Haganah, sous l’égide de la Histadrout

 (syndicat des travailleurs juifs). Elle était, en réalité, une force offensive, visant à prendre le contrôle des terres 

palestiniennes puis à les défendre contre leurs propriétaires d’origine.

Au cours de cette même période, la Histadrout est également devenue un instrument du travail juif, mettant en

 œuvre la politique sioniste de contrôle des emplois. Cela a creusé le fossé entre les ouvriers arabes et juifs, les Juifs

 bénéficiant de bien plus d’opportunités. Les autorités du mandat ont également accordé des privilèges aux entreprises

 juives, comme la concession pour établir la compagnie d’électricité de Palestine, ainsi que la création d’usines à Haïfa

 (comme les usines Nesher et Shemen), ou encore à la mer Morte (usine de potasse). Cela a fourni de nombreux

 emplois aux Juifs et soutenu l’économie naissante de leurs colonies.

En outre, le gouvernement modifia les règles douanières pour soutenir l’industrie juive : il quadrupla les droits de

 douane sur le ciment importé pour favoriser l’usine juive Nesher, et imposa des taxes élevées sur les huiles

 importées afin de protéger l’usine Shemen, tout en exemptant le sésame importé (dont l’usine avait besoin),

 rendant ainsi le sésame cultivé par les paysans arabes moins compétitif.

Quant au mouvement national arabe, bien qu’il fût parfaitement conscient du danger sioniste, il souffrait d’un

 manque de structure idéologique et organisationnelle solide. À l’époque, il se contentait de convoquer des congrès

 et de négocier avec les autorités du mandat, tout en maintenant une position conciliante vis-à-vis des Britanniques,

 dans l’espoir qu’ils reviendraient sur leurs promesses aux sionistes. Les dirigeants arabes espéraient encore que 

efforts politiques et religieux amèneraient le Royaume-Uni à stopper l’immigration juive et à freiner la colonisation.

Le mouvement national palestinien, pour sa part, ne mit pas en place de structures organisationnelles efficaces 

capables de mobiliser une population de plus en plus en colère face à la croissance du pouvoir sioniste, soutenu par le

 gouvernement britannique, et porté par la promesse de création d’un foyer national juif au détriment du peuple

 palestinien.

Cette colère s’est intensifiée au fil des années, jusqu’à exploser fin août 1929.

Les événements de 1929

Ces événements représentent l’un des tournants majeurs dans l’histoire du conflit arabo-sioniste. Ce fut le début d’un

 affrontement direct, sanglant et violent, entre les Palestiniens et les Juifs. C’est également à partir de ce moment que 

les autorités du mandat britannique ont pris conscience du danger que représentait la poursuite de leur politique 

pro-sioniste, surtout après que les troubles se soient étendus à presque toutes les régions de Palestine.

Ces événements sont également importants dans la mesure où ils ont montré que le peuple palestinien avait atteint 

un niveau de conscience et de mobilisation élevé, et qu’il était prêt à défendre sa terre et ses droits, même au prix

 du sang.

Causes

Les événements ont éclaté à la suite d’une série de provocations organisées par les groupes sionistes autour du Mur

 de al-Bouraq (appelé Mur des Lamentations par les Juifs). Ce mur est une partie intégrante de la mosquée Al-Aqsa,

 et fait donc partie des lieux saints musulmans.

Le 14 août 1929, des milliers de Juifs ont manifesté à l’occasion de la commémoration de la destruction du Temple

 (Tisha Be’Av). Lors de cette manifestation, ils se sont dirigés vers le mur al-Bouraq, ont brandi le drapeau sioniste,

 chanté l’hymne "Hatikvah", et insulté les musulmans, déclarant que ce lieu deviendrait une propriété juive. Cela

 a profondément heurté les sentiments religieux des Palestiniens.

Le lendemain, les musulmans ont organisé une contre-manifestation massive, avec la participation de nombreux 

ulémas, qui ont dénoncé les projets sionistes contre les lieux saints. Le vendredi 16 août, après la prière, une grande

 foule s’est rendue vers le mur pour affirmer qu’il s’agissait d’un lieu purement islamique. Des tensions ont éclaté,

 entraînant des affrontements dans plusieurs villes palestiniennes, notamment Hébron, Jérusalem, Jaffa, Naplouse et

 Safed.

Bilan

Les affrontements ont duré environ une semaine. Selon les sources britanniques :

  • 116 Juifs ont été tués

  • 133 Arabes ont été tués

  • Et des centaines de blessés dans les deux camps.

La plupart des morts juifs sont survenus à Hébron et Safed, où des familles entières ont été attaquées par la foule palestinienne. En réaction, les groupes sionistes armés, notamment la Haganah, ont mené des représailles sanglantes, en particulier à Jaffa.

Conséquences

  1. Réaction britannique :

    • Le gouvernement du mandat a mis en place une commission d’enquête (Commission 

      Shaw), qui a reconnu que les craintes arabes étaient légitimes, notamment à propos de

       l’immigration juive et de la politique foncière.

    • Mais au lieu de prendre des mesures sérieuses, les Britanniques ont continué leur soutien

       au projet sioniste.

  2. Radicalisation du mouvement sioniste :

    • Les événements ont conduit les Juifs à renforcer leur armement et leur entraînement

       militaire, via la Haganah, qui s’est considérablement développée à partir de cette période.

    • Le discours sioniste est devenu plus militant et plus déterminé à établir un État juif par la

       force.

  3. Changement dans la stratégie arabe :

    • Beaucoup d’Arabes ont compris que la voie diplomatique ne suffisait plus.

    • Cela a ouvert la voie à une résistance plus organisée, qui aboutira à la grande révolte de

       1936–1939.

La grande révolte de 1936–1939

La révolte palestinienne de 1936 à 1939 est considérée comme la plus importante et la plus vaste insurrection

 palestinienne contre le mandat britannique et le projet sioniste avant la Nakba de 1948. Elle a marqué un 

tournant décisif dans la résistance populaire palestinienne et a été l'expression de la colère accumulée contre

 l'oppression coloniale, la dépossession des terres, et l'immigration juive massive encouragée par les autorités

 britanniques.

Déclenchement

La révolte a commencé en avril 1936 par une grève générale dans les villes palestiniennes, notamment à Naplouse et 

Jaffa. Cette grève, qui s’est transformée en un mouvement de désobéissance civile à l’échelle nationale, a duré six 

mois — l'une des plus longues grèves politiques de l'histoire moderne.

Les revendications principales des Palestiniens étaient :

  • L’arrêt immédiat de l’immigration juive en Palestine

  • L’interdiction de la vente des terres aux colons juifs

  • La création d’un gouvernement national représentatif des Arabes palestiniens

Organisation

Un Comité arabe suprême a été formé, sous la présidence de Hadj Amin al-Husseini, mufti de Jérusalem. Ce comité

 coordonnait les actions politiques, les grèves, et les manifestations. Mais à côté de l’action politique, une résistance

 armée populaire s’est développée dans les campagnes, notamment sous la direction de Fawzi al-Qawuqji et d’autres 

chefs de guérilla.

Les combattants paysans armés menaient des attaques contre les routes, les lignes de chemin de fer, les postes de

 police, et les colonies juives. De nombreux officiers britanniques furent tués, et des positions stratégiques furent

 attaquées.

Répression britannique

La répression britannique fut extrêmement violente :

  • Des milliers de Palestiniens furent arrêtés, emprisonnés ou exilés.

  • Des centaines de maisons furent détruites comme mesure de punition collective.

  • Les exécutions furent fréquentes.

  • Les Britanniques mirent en place une collaboration étroite avec les milices juives (comme la

     Haganah) pour réprimer la révolte.

La grève générale fut suspendue à la fin de 1936, à la suite de pressions des dirigeants arabes et des rois d'Irak,

 d'Arabie saoudite et de Transjordanie, qui demandèrent aux Palestiniens de faire confiance aux promesses britanniques. 

Reprise de la révolte (1937–1939)

Les Britanniques ne répondirent pas favorablement aux revendications palestiniennes. En 1937, une nouvelle phase de

 la révolte, plus violente encore, éclata. Elle fut caractérisée par :

  • Des combats prolongés entre les guérilleros palestiniens et les troupes britanniques.

  • L’assassinat de collaborateurs et de traîtres présumés.

  • La montée en puissance de groupes armés indépendants dans les collines et les campagnes.

Les Britanniques ripostèrent par une campagne de terreur :

  • 13 000 Palestiniens furent emprisonnés.

  • Environ 5 000 Palestiniens furent tués, et des milliers blessés.

  • Plus de 100 villages palestiniens furent bombardés ou démolis.

Conséquences

  1. Affaiblissement du mouvement national palestinien :

    • L’élite politique fut décimée par les arrestations, l’exil et les assassinats.

    • Le Comité arabe suprême fut dissous, et les leaders exilés.

  2. Renforcement du projet sioniste :

    • La Haganah acquit une expérience militaire précieuse, avec l’aide des Britanniques.

    • Le contrôle juif sur les terres et les institutions économiques se renforça.

  3. Livre blanc de 1939 :

    • À la fin de la révolte, les Britanniques publièrent un livre blanc limitant l’immigration juive et

       les ventes de terres.

    • Mais ce document fut rejeté à la fois par les Arabes (car jugé trop tardif) et par les sionistes 

      (car contraire à leurs ambitions).

La Seconde Guerre mondiale et la période d'après-guerre

La Seconde Guerre mondiale et son impact sur la Palestine

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) a eu un impact significatif sur la situation en Palestine, tant du point de vue

 politique qu’économique. Bien que la Palestine ne fût pas un théâtre majeur des combats, la guerre a influencé les

 événements qui ont conduit à la création de l'État d'Israël en 1948.

  1. L'impact sur les relations anglo-arabes :

    • Pendant la guerre, la Grande-Bretagne cherchait à maintenir le soutien des pays arabes

       contre l'Axe. Cela a conduit à une atténuation des tensions avec certains pays arabes, 

      mais cela n’a pas empêché l’aggravation de la situation en Palestine.

    • Les Britanniques étaient coincés entre leur promesse faite aux Arabes pendant la Première

       Guerre mondiale (par la Déclaration de McMahon) et leur engagement à soutenir le

       mouvement sioniste, notamment à travers la Déclaration Balfour de 1917.

  2. L'immigration juive pendant la guerre :

    • Bien que la Seconde Guerre mondiale ait ralenti l'immigration en raison des conditions

       internationales, un afflux continu de réfugiés juifs en provenance d’Europe, fuyant les 

      persécutions nazies, a eu lieu. Le nombre de Juifs en Palestine a ainsi continué d’augmenter

       malgré les restrictions britanniques.

    • Après la guerre, les survivants de l’Holocauste, en particulier les réfugiés juifs européens,

       cherchaient à rejoindre la Palestine, ce qui a intensifié la pression sur les autorités

       britanniques et sur la communauté arabe palestinienne.

  3. Les tensions avec la communauté arabe :

    • La guerre a exacerbé les tensions inter-communautaires en Palestine, en partie à cause de

       l'immigration juive continue et de l'augmentation du soutien international à la cause sioniste.

    • L’arrivée des réfugiés juifs et l’arrivée des troupes britanniques pour assurer leur protection

       ont suscité une résistance accrue de la population arabe, qui voyait cela comme une

       menace à ses droits et à son existence sur la terre de Palestine.

La création de l’État d’Israël

Après la Seconde Guerre mondiale, les tensions entre les Juifs et les Arabes palestiniens se sont intensifiées. Les

 Britanniques, incapables de résoudre le conflit, ont décidé de remettre la question palestinienne aux Nations Unies.

 En 1947, l’ONU a proposé un plan de partition de la Palestine en deux états, l’un juif et l’un arabe, avec une zone

 internationale pour Jérusalem.

  1. Le plan de partition de 1947 :

    • Le Plan de partition de l'ONU (Résolution 181) a été proposé le 29 novembre 1947. Selon

       ce plan, la Palestine serait divisée en trois zones : un État juif, un État arabe et une zone

       internationale pour Jérusalem.

    • Les dirigeants sionistes ont accepté le plan, bien qu'ils aient trouvé les frontières proposées

       insuffisantes.

    • Les dirigeants arabes et les Palestiniens ont rejeté le plan, estimant qu’il était injuste et

       qu’il favorisait les intérêts sionistes.

  2. La guerre de 1948 :

    • En mai 1948, David Ben Gourion, le leader sioniste, proclama la création de l'État d'Israël.

       En réponse, les pays arabes voisins (Égypte, Jordanie, Syrie, Irak, Liban, Arabie Saoudite)

       ont envahi la Palestine.

    • Cette guerre, connue sous le nom de Nakba (qui signifie "la catastrophe" en arabe), a conduit

       à l'exode massif de centaines de milliers de Palestiniens, qui ont fui ou ont été expulsés de

       leurs maisons par les forces israéliennes.

    • La guerre s’est terminée par un armistice en 1949, mais Israël avait étendu son territoire

       au-delà des frontières définies par le plan de partition de l'ONU, contrôlant environ 78% de la

       Palestine mandataire.

  3. Les conséquences de la Nakba :

    • La Nakba a entraîné la création de centaines de milliers de réfugiés palestiniens qui ont

       été dispersés dans les pays voisins, et leur statut de réfugié reste un enjeu majeur du conflit

       israélo-palestinien.

    • Le droit au retour des réfugiés palestiniens est resté une revendication centrale dans la lutte

       palestinienne.

    • L’État d’Israël a été reconnu par de nombreux pays, mais la question de Jerusalem et des 

      droits des Palestiniens restait sans solution.

Conclusion

La période suivant la Seconde Guerre mondiale a été marquée par des événements décisifs qui ont façonné la situation

 en Palestine et dans la région du Moyen-Orient pour des décennies. La combinaison de l'immigration juive, des

 tensions communautaires croissantes, des promesses contradictoires faites par les puissances coloniales, et des

 aspirations nationales palestiniennes a conduit à la création de l'État d'Israël en 1948, marquant un tournant majeur

 dans l'histoire de la Palestine et du peuple palestinien. La Nakba reste un événement fondateur de l’histoire 

palestinienne et une mémoire collective qui nourrit encore aujourd'hui les luttes pour la justice et les droits des

 Palestiniens.