"le Hamas vole l’aide humanitaire ? ".
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Famine sous contrôle : Gaza et la guerre humanitaire .
Depuis le début de la guerre contre Gaza, une autre forme de violence se déploie, plus silencieuse, mais non moins
dévastatrice : la guerre contre l’aide humanitaire. Des dizaines de milliers de morts, des enfants décharnés, des
hôpitaux sans anesthésie, des files interminables pour un sac de farine — et toujours, ce discours glacé, répété à
l’unisson : « Le Hamas vole l’aide humanitaire. » En invoquant cette accusation sans preuve sérieuse, Israël
cherche à dissoudre ses propres responsabilités dans le drame humanitaire en cours, et à présenter les Palestiniens
non comme des victimes, mais comme les complices de leur propre misère.
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Une accusation sans preuves, un récit sans nuances
L’argument est simple, martelé dans les médias occidentaux : si Gaza meurt de faim, ce ne serait pas à cause des
bombardements ou du blocus, mais parce que le Hamas détournerait l’aide destinée aux civils. Pourtant, aucune
organisation humanitaire internationale — ni l’UNRWA, ni le Programme alimentaire mondial, ni Médecins sans
Frontières — n’a confirmé l’existence d’un détournement systématique ou organisé de l’aide par le Hamas.
Ces accusations, souvent relayées sans vérification, s'appuient sur des vidéos floues, des témoignages anonymes
ou des mises en scène diffusées par l’armée israélienne. Elles n’ont jamais été étayées par une enquête
indépendante.
En revanche, ce qui est avéré, c’est que l’aide humanitaire est soumise à un contrôle total par Israël. Aucun
convoi n’entre à Gaza sans le feu vert des autorités militaires israéliennes. Chaque sac de riz, chaque boîte de
conserve est inspecté, retardé, parfois refusé. Des dizaines de camions restent bloqués pendant des jours aux
frontières, sous des prétextes absurdes : couvertures trop épaisses, stylos "à usage militaire potentiel", etc.
Israël impose le rationnement, puis accuse la population affamée de se voler elle-même.
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Affamée, puis accuser : l’inversion accusatoire
Dans cette stratégie, le détournement de l’aide n’est pas un fait à combattre, mais un récit à entretenir. Il permet de
justifier le blocus, de diaboliser le Hamas, de criminaliser la population entière, et surtout d’empêcher toute
remise en cause de la responsabilité israélienne dans la catastrophe humanitaire. C’est un retournement orwellien
: Israël bombarde les infrastructures humanitaires, puis accuse les Palestiniens de désorganisation ; Israël affame,
puis accuse ceux qui tentent de survivre de pillage.
Cette inversion est d’autant plus grave qu’elle déshumanise les victimes. En affirmant que "le Hamas vole l’aide",
on insinue que chaque Palestinien est potentiellement complice, que chaque enfant affamé est une façade, que
chaque plainte est un mensonge. C’est une manière de désactiver la compassion, de rendre moralement
acceptable l’inaction internationale.
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Une guerre contre les humanitaires eux-mêmes
Loin de se limiter à la rhétorique, cette guerre humanitaire se traduit par des attaques directes contre les
organisations d’aide. En avril 2024, sept membres de l’ONG World Central Kitchen ont été tués dans une frappe
israélienne, malgré leur itinéraire connu et validé par l’armée. Depuis le début du conflit, plus de 200
humanitaires ont perdu la vie, souvent ciblés délibérément. Les locaux de l’UNRWA ont été bombardés, ses
financements coupés sous pression diplomatique. Israël cherche à assécher l’aide, puis à en accuser l’inefficacité.
La situation est telle que la famine a été déclarée imminente dans le nord de Gaza par l’ONU, une première depuis
l’Éthiopie des années 1980. Les enfants meurent de déshydratation, les mères accouchent sans anesthésie, les
chirurgiens opèrent avec des lampes de téléphone. Le blocus transforme chaque acte de soin, chaque don
alimentaire, en acte de résistance.
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Le Hamas, alibi commode d’un crime structurel
Accuser le Hamas de voler l’aide, c’est offrir un alibi commode à une politique d’asphyxie planifiée. S’il existe
des trafics ou des détournements, ils sont marginaux et résultent d’une économie de siège, pas d’une stratégie
centralisée. Le vrai crime, c’est de bloquer l’eau potable. C’est de frapper les boulangeries. C’est de bombarde
les silos de blé. C’est de créer les conditions d’une crise humanitaire, puis de la médiatiser comme si elle relevait
d’une responsabilité locale.
Ce récit est d’autant plus dangereux qu’il empêche la communauté internationale d’agir. Tant que l’opinion
publique croit que l’aide sera volée, elle tolère qu’elle ne soit pas envoyée. C’est un chantage moral, où les
victimes sont jugées indignes d’être secourues.
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Rompre le siège du mensonge
La guerre humanitaire à Gaza ne se joue pas seulement dans les entrepôts, mais dans les esprits. Elle oppose la
vérité aux éléments de langage, la compassion au soupçon, le droit à la survie à la logique de punition collective.
Il est temps de rompre le siège du mensonge.
Les États doivent cesser de justifier l’injustifiable. Les journalistes doivent refuser les récits tout faits. Les
humanitaires doivent être protégés, et non ciblés. Et nous, citoyens du monde, avons une responsabilité : refuser
d’accepter la famine comme outil de guerre.
Il ne suffit pas de dénoncer les bombes. Il faut aussi dénoncer ceux qui affament, puis accusent.
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