Toujours en retard face à l’horreur

 


Toujours en retard face à l’horreur



La France, l’Europe, le monde : toujours en retard. Toujours quelques pas derrière l’horreur. Pendant qu’Israël avance à une vitesse effrayante – détruisant, massacrant, affamant, assoiffant et colonisant sans frein – la communauté internationale reste bloquée dans l’ère des palabres. Elle débat, elle discute, elle « exprime son inquiétude », elle condamne. Une liturgie de mots creux, répétée à l’infini, pendant que le sang coule à torrents et que les cadavres s’amoncellent.



Là où il faudrait des sanctions, il n’y a que des communiqués. Là où il faudrait du courage, il n’y a que des discours. Nous nous félicitons d’avoir « agi » en publiant une résolution, comme si une feuille de papier pouvait arrêter une bombe, comme si un verbe au conditionnel pouvait sauver une vie. Pendant ce temps, des familles entières disparaissent, des enfants meurent avant d’avoir appris à marcher.



Les dirigeants israéliens, eux, n’ont même plus besoin de se cacher. Ils menacent, vocifèrent, se vantent. Ils proclament leur impunité, leur expansion sans limite, leur volonté d’écraser non seulement la Palestine mais aussi les pays voisins, même les plus soumis. Et nous ? Nous regardons, fascinés par notre propre impuissance, prisonniers de nos lenteurs, incapables de dire « stop » autrement qu’avec des formules diplomatiques.



Demain, que répondrons-nous à nos enfants ? Que nous savions. Que nous voulions les arrêter. Mais que nous avions toujours un train de retard, toujours une étape derrière. Quand les bourreaux achevaient leur besogne, nous étions encore en réunion, encore à chercher les mots justes pour exprimer une indignation sans conséquence. Quelle réponse pitoyable. Quelle lâcheté.



Le génocide se déroule sous nos yeux. Les cris de détresse traversent nos nuits, mais nous les étouffons sous des protocoles, des procédures, des prudences diplomatiques. Nous avons remplacé la responsabilité par la rhétorique, l’action par la posture. Nous vivons dans une époque où l’indignation est éloquente, mais où l’action est muette.



Et le plus tragique, c’est que le monde s’illusionne. Il condamne fermement, solennellement, rituellement. Il s’applaudit de n’avoir pas été totalement silencieux. Mais ces condamnations n’arrêtent rien : elles ne font que border, d’un vernis moral, l’indifférence réelle.



Quelle ironie amère : nous sommes devenus des professionnels du « plus jamais ça », alors même que nous assistons à un énième « encore une fois ». Nous avons perfectionné l’art de dire l’horreur, et perdu celui d’y mettre fin.



Quelle honte. Quelle faillite. Quelle époque


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire