Arabes d’Israël : citoyens en marge d’un État qui ne les reconnaît pas vraiment
Ils ont un passeport israélien, le droit de vote, un siège à la Knesset. Mais dans les faits, les citoyens arabes
d’Israël vivent comme une population de second rang. Leur citoyenneté est administrative, pas nationale.
Depuis 1948, ils sont là. On les appelle “Arabes israéliens”, “Palestiniens de 48”, ou simplement “les oubliés du
sionisme”. Ils représentent aujourd’hui environ 21 % de la population israélienne, soit près de deux millions de
personnes. Et malgré une façade démocratique, ils vivent dans un système d’inégalités structurelles,
institutionnalisées par l'État.
🪪 Citoyens sans reconnaissance nationale
Techniquement, ces Palestiniens sont citoyens israéliens. Mais juridiquement, Israël s’est toujours défini comme
un État exclusivement juif, pas comme un État de tous ses citoyens.
En 2018, une loi fondamentale vient graver cela dans le marbre :
« Israël est l’État-nation du peuple juif [...] Le droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est
réservé au peuple juif. »
Conséquence immédiate : les citoyens arabes sont délibérément exclus de la définition même de l’État dont ils
détiennent pourtant les papiers d’identité. Leur langue, l’arabe, a perdu son statut officiel. Et leur mémoire
collective – celle de la Nakba, des villages détruits, des terres confisquées – est niée par l’institution.
🏘️ Une ségrégation urbaine et foncière assumée
Israël abrite plus de 900 localités juives et environ 139 villes ou villages arabes. Mais les chiffres ne disent pas
tout.
93 % du territoire israélien est propriété de l’État ou de l’Agence juive, qui réserve ces terres
aux Juifs uniquement.
De nombreuses localités juives disposent de comités d’admission qui peuvent légalement
refuser un Arabe, au nom du “caractère communautaire”.
Exemple : en 2020, la Cour suprême d’Israël a confirmé le droit pour un kibboutz juif de refuser une
famille arabe, bien qu’elle soit citoyenne.
Pendant ce temps, les villes arabes manquent de plans d’aménagement, et les habitants construisent souvent sans
permis – ce qui donne prétexte à des démolitions régulières.
📚 Moins d’investissements, moins d’avenir
Éducation, santé, emploi, transport : dans tous les domaines, les citoyens arabes d’Israël reçoivent moins de
ressources publiques.
Un élève arabe reçoit en moyenne 30 % de budget en moins qu’un élève juif.
Les universités israéliennes comptent moins de 2 % de professeurs arabes, pour plus de 20 %
de population.
Les localités arabes reçoivent entre 5 à 10 fois moins de financement par habitant que les
villes juives comparables.
Dans les hôpitaux, les médecins arabes sont nombreux, mais les infrastructures dans leurs villes manquent
cruellement. Une ville comme Umm al-Fahm (60 000 habitants) n’a pas d’hôpital.
🧱 Une citoyenneté à part : sans armée, sans privilèges
À la différence des Juifs israéliens, la majorité des citoyens arabes ne font pas le service militaire. Cela les exclut
de nombreux avantages :
Aides au logement
Emplois dans le secteur public ou de sécurité
Bourses d’études
Points supplémentaires dans les concours administratifs
Cette absence est ensuite utilisée pour justifier leur marginalisation. “Ils ne font pas l’armée”, dit-on – sans
rappeler que c’est l’État qui les en dispense.
⚖️ Des lois discriminatoires
Israël compte plus de 65 lois identifiées par des ONG comme discriminatoires envers les citoyens arabes.
Exemples :
Loi sur la répartition des budgets publics : fondée sur des critères qui désavantagent
structurellement les communes arabes.
Loi sur la présence de drapeaux palestiniens : criminalise les manifestations politiques des
citoyens arabes.
Loi sur les loyers sociaux : réserve la plupart des aides à d’anciens soldats – donc
majoritairement aux Juifs.
🔥 Criminalisation du politique, diabolisation de l’identité
Lorsqu’ils s’organisent politiquement, les Arabes d’Israël sont accusés de trahison, ou de “collusion avec
l’ennemi”. Plusieurs partis politiques arabes ont été menacés d’interdiction, parfois accusés de “nier le caractère
juif de l’État”.
Des députés arabes à la Knesset sont régulièrement :
Interrompus
Expulsés temporairement
Accusés de soutenir le terrorisme s’ils dénoncent les crimes commis à Gaza ou en Cisjordanie
Pendant les guerres ou les tensions (comme en mai 2021), les villes dites “mixtes” (comme Lod ou Haïfa)
deviennent le théâtre d’émeutes, d’arrestations arbitraires, de violences communautaires – avec un traitement
médiatique et policier à sens unique.
✊ Malgré tout : résistance, éducation, mobilisation
Malgré les obstacles, les citoyens arabes d’Israël s’organisent.
Ils fondent des universités, des médias indépendants, des ONG, des associations féministes.
De plus en plus d’étudiants arabes accèdent à l’enseignement supérieur.
La jeunesse revendique une identité politique palestinienne, et refuse de se taire.
Mais leur avenir reste suspendu à un paradoxe : vivre dans un pays qui les appelle “citoyens”, tout en les traitant
comme des étrangers indésirables.
🎯 Conclusion : l’apartheid n’est pas qu’au-delà du mur
Il y a deux régimes en Israël : l’un pour les Juifs, l’autre pour les Arabes – même à l’intérieur de la Ligne verte.
Ce n’est pas une guerre entre États. C’est un système hiérarchisé de citoyenneté, basé sur l’ethnicité, sur la
mémoire niée, sur la peur de la démographie. Et cela commence bien avant les check-points de Cisjordanie.
Être Arabe en Israël, c’est vivre dans un pays qui vous tolère, mais ne vous reconnaît pas. C’est porter une
carte d’identité qu’on peut vous rappeler à tout moment comme un privilège – et non comme un droit.
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